Danser sa peine — De la libération des corps. Et des êtres ?

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3 min readFeb 18, 2021

Documentaire de Valérie Müller sur le travail du chorégraphe Angelin Preljocaj avec cinq femmes détenues aux Baumettes à Marseille.

crédit photo : Jean-Claude Carbonne

Je ne sais pas pourquoi j’ai pleuré autant. Je l’ai regardé en deux fois pour faire durer le plaisir. Je sentais déjà que j’étais profondément touchée. Et la suite m’a émue aux larmes. Mais pourquoi ? Qu’est-ce qui dans ce documentaire primé au Fipadoc 2020 a tant résonné avec moi, qui ne suis ni détenue ni danseuse ?

Mêlant des scènes de répétitions et des interviews des participantes, nous sommes plongés le temps d’une heure dans l’univers carcéral et dans ce projet incroyable qu’a mené le chorégraphe Angelin Preljocaj avec Malika, Annie, Sophia, Litale et Sylvia détenues aux Baumettes à Marseille.

Courageusement, les danseuses se dévoilent à la caméra et partagent leur vulnérabilité et la contrainte d’une vie derrière les barreaux pour leurs corps confinés. Les ateliers de danse sonnent alors comme une bulle de liberté et d’exploration. De séance en séance, elles s’habituent à bouger, à s’exprimer, à se relier, à se dépasser, à se concentrer jusqu’à l’étape finale et la représentation de leur travail à Aix-en-Provence et Montpellier. Les images sont à couper le souffle : cinq femmes transformées qui nous transportent et nous touchent dans notre humanité.

Comment ne pas être inspirés par leur cheminement et leur performance… Elles en ressortent prêtes à affronter la vie, confiantes dans leurs capacités, dans leur corps et connectées aux autres.

Quand le documentaire a été fini, j’ai eu l’envie de danser moi aussi. D’explorer ma liberté malgré les restrictions sanitaires. De me relier à ce corps qui a peu bougé pendant l’année écoulée, l’écouter, lui laisser de la place, le mettre à l’honneur. De moi aussi exprimer mon intériorité dans une période où prise dans la routine des confinements je me tourne plus difficilement vers l’extérieur. Passer à l’action et me relier aux autres en même temps.

Comme la chorégraphe Nadia Vadori-Gauthier qui danse une minute par jour depuis les attentats de 2015, un engagement de sensibilité face à la violence du monde, un acte de vie et de lien pour nous décloisonner.

Mais c’est également la citoyenne en moi qui a été touchée. Quel est le sens de l’emprisonnement et que produit-il ? Permet-il vraiment l’évolution ? Renforce-t’il davantage les failles ? Difficile d’ignorer les blessures et les cassures des parcours de ces cinq danseuses détenues. Et pourtant en quatre mois, elles se révèlent dans leur beauté, leur puissance, leur fragilité et leur maturité. Que de richesses libérées ! Nous avons besoin de ces femmes et de ce qu’elles ont expérimenté.

Malheureusement c’est une minorité dans la masse des personnes incarcérées.

Bravo à elles, bravo à Angelin Preljocaj et Valérie Müller. Et je vous laisse en images avec la bande-annonce du documentaire :

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En expansion : apprentissages et voyages intérieurs pour mieux se relier à soi, aux autres et au monde